Balade au clair de lune
La nuit était tombée depuis peu sur Tauber et déjà les collines s’étaient mises à bruire, comme si l’île elle-même retenait son souffle. J’avais grimpé au sommet de la colline aux trois souches, lorsqu’un phénomène me happa.
J’observais en silence quand, sous mes yeux, le sol s’était mis à frémir doucement, presque imperceptiblement. Sans plus prévenir, une gemme pâle surgit du sol, luisant d’un éclat irréel. Une Moonstone, fraîchement née. Ces pierres-là n’apparaissent jamais deux fois au même endroit. Elles choisissent leur moment — et parfois, leur témoin.
Au pied de la colline, diverses silhouettes s’avançaient : des trolls grognons, des fées retorses, des nobles trop polis pour être honnêtes… et des ombres qu’il semblait ne pas falloir regarder trop longtemps. Toutes semblaient déterminées à repartir avec un maximum de butin. Je me suis donc enfui avec ma pierre de Lune sous le bras sans demander mon reste. Pour le bien de la science et non sous l’effet de la peur viscérale provoquée par cet attroupement de gredins atypiques, cela va, bien entendu, sans dire.
Et pourtant… Quelle beauté dans ce chaos ! Les habitants m’ont ébloui, tant par leurs prouesses martiales que roublardes La magie est ici une seconde nature, aussi imprévisible que poétique. Ici tout s’excuse s’il y a une moonstone en jeu, que l’on pourra ensuite échanger à la Tour de Grommel.
Je n’écris pas ces lignes pour en faire un traité. Ce n’est pas possible. Ce pays est plein de caprices. Les habitants s’y disputent pour un rien, changent d’alliances comme de manteaux, rient dans les duels et pleurent dans les festins. Rien ici n’est tout à fait sérieux. Ni tout à fait sûr. Et pourtant, plus je parcours ces terres, plus je me convaincs que derrière l’absurde se cache une logique certaine. Tauber est une mascarade. Mais une mascarade qui a du cœur.
Description du jeu
Moonstone nous vient d’Outre Atlantique, de la grande Britannia où se trouve l’éditeur Goblin King Games (et partiellement traduit et distribué par Légion Distribution en France). Il a été créé par Tom Greenway en 2019. Le jeu a bien pris, monté en puissance ces dernières années, ce qui a permis à l’équipe de s’agrandir (notamment avec V. G. Thorne pour toute la partie fluff), à de nouvelles factions de voir le jour, à un grand événement avec la communauté… Bref, le jeu a le vent en poupe et c’est amplement mérité. (Pourquoi ? Et bien continuez de lire et vous saurez !)
Moonstone est un jeu d’escarmouche dans lequel chaque joueur contrôle le même nombre de figurines (4 à 6 généralement). De la fragile petite fée au géant pataud en passant par ces idiots de gobelins et ces fourbes d’humains, la fantasy est là à tous les niveaux ! Vous prenez le contrôle de votre petite troupe afin de déterrer des pierres de lune, les fameuses moonstones afin de les vendre aux mages qui les recherchent avidement pour on ne sait quelle raison.
Le jeu est prévu pour accueillir de 2 à 4 joueurs sur une table de 90cm x 90cm. Le jeu n’utilise des dés (à 4 faces) que pour déterminer le placement et représenter les moonstones. Pour le reste, pas de lancer de dés pour résoudre les actions, on va plutôt tirer des cartes, faire un choix parmi celles-ci et assumer les conséquences !

But du jeu
Le vainqueur de la partie est le joueur qui aura en sa possession le plus de moonstones à la fin du quatrième tour. En cas d’égalité, un match à mort sera lancé jusqu’à ce qu’un joueur ait plus de moonstones que tous ses adversaires. Vous pouvez ajouter à cela des scénarios. Il en existe en téléchargement gratuit sur le site de l’éditeur. La version complète des règles propose également des scénarios (7 dans le livre de règles, 9 dans le livre The Arising. Tout ceci en anglais uniquement).

La fine équipe
Moonstone se passe bien de coûts de recrutement ! Le format est en nombre de figurines. Que vous preniez un troll, un gnome ou une fée c’est pareil. Seulement chacun a ses forces et ses faiblesses. Un Ogre ou un troll aura beaucoup de points de vie mais peu d’actions là où une fée pourra virevolter dans tous les sens mais sera plus fragile. Gnome, humains et gobelins sont entre les deux. S’ajoutent bien sûr les capacités qui vont nuancer et spécialiser le profil. Certaines passives, certaines avec un coût en points d’actions et certaines nécessitant un test d’arcane (sorts, tir et autres capacités incertaines).
Une fois le format de la partie déterminée (4, 5 ou 6 figurines) il vous reste alors à choisir votre faction parmi les 4 à votre disposition : Le Commonwealth représenté majoritairement par les humains, les gnomes et les géants. Le Dominion, opposé au Commonwealth mais en trêve, composé de gobelins, de fées, de trolls mais aussi d’humains de l’ancienne noblesse. Face à ces deux super puissances, on trouve les cultistes de Leshavult, servants du dieu Leshavit et composés de tous ceux vénérant cette déité ainsi que des faunes. Enfin, les ombres, cette royauté déposée que nul ne pensait voir revenir et pourtant… esprits, psychopompes et autres réanimés sont un choix comme un autre. Notez que certains personnages partagent plusieurs allégeances, pouvant ainsi se battre pour plusieurs camps.

Le système de jeu
Moonstone se joue en 4 tours. Le premier tour commence une fois les moonstones dispersées sur le terrain. Pour cela on prend autant de dés à quatre faces que de moonstones en jeu dans sa main. On lève sa main à une trentaine de centimètres au dessus de la table avant de laisser retomber les dés. On a ainsi la localisation des pierres de lune mais aussi leur profondeur grâce au chiffre indiqué par le dés. Il faudra alors tirer le meilleur parti de ses personnages pour prendre possession du plus de Moonstones possible avant la fin de la partie.
Les joueurs activeront en alternance leurs figurines afin qu’elles dépensent leurs points d’actions jusqu’à ce que chacune ait joué. Le jeu offre aussi la possibilité de faire des pas de placement en réaction à l’adversaire.
Vous pouvez trouver les règles de base ainsi que les profils des cartes de profil, des silhouettes en papier et des scénarios en libre téléchargement sur le site de l’éditeur. Règles de base et cartes également disponibles en français, espagnol, allemand, grec, chinois et japonais !

Un tour de jeu
Chaque tour, on va commencer par attribuer à chaque personnage l’énergie pour le tour, en fonction de son profil et de ses points de vie restants. Ensuite, toutes les figurines vont s’activer une fois, les joueurs alternant les activations l’un après l’autre. A l’activation, une figurine a un mouvement gratuit et peut dépenser ses points d’actions comme elle le souhaite afin d’attaquer, de bouger plus, de déclencher des capacités ou encore déterrer une moonstone. Un point d’action peut aussi être utilisé en réaction pour faire un pas de côté. Un mouvement de 1″ pour esquiver, se mettre hors de portée ou gêner l’adversaire. Ça n’a l’air de rien, mais c’est diablement fin quand on sait l’utiliser !
Lorsque tout le monde a agi, les points d’actions inutilisés sont défaussés et on est reparti pour un tour. Simple, non ?

Le système de combat
Le but est certes de ramasser le plus de moonstones, mais briser quelques os n’a jamais fait de mal pour remporter une partie. Enfin, façon de parler… Dans ce jeu, lorsqu’une figurine s’attaque à une autre, nous assistons à une passe d’arme. En effet, chaque combattant va pouvoir se battre et le résultat sera déterminé en fonction de la carte choisie par chaque protagoniste. La carte ? Et oui, dans Moonstone, les joueurs partagent un deck de combat, composé de 18 cartes. En fait, il y a 3 exemplaires de chacune des 6 postures que peut prendre un combattant. De l’estoc au balayage rapide en passant par une garde basse… quel choix allez-vous bien faire pour tromper l’adversaire ? Chaque combattant pioche autant de cartes que sa valeur de mêlée, avec un bonus pour l’attaquant.
Chaque carte vous indique les dégâts que vous infligeriez et ceux subits si votre adversaire choisissait telle ou telle carte. Parfois, si l’on joue le contre parfait à l’attaque adverse, on pourra enchainer sur une seconde attaque bonus. Cerise sur le gâteau, si vous possédez en main plusieurs exemplaires de votre attaque vous pouvez doubler (voire tripler) les dommages !
Juste une mécanique?
Et non ! Le mieux, c’est que tout ceci est totalement logique. Si vous effectuez une frappe ascendante (c’est à dire de bas en haut) et que l’adversaire joue une garde basse, personne n’infligera de dégâts et le joueur ayant trouvé la bonne parade pourra jouer une nouvelle carte. Quand le storytelling suit les game design, je suis aux anges. Vous aussi vous y faites attention?
Pour vous aider à choisir voici les informations dont vous disposez : selon les cartes que vous avez en main, vous pouvez utiliser les probabilités pour déduire ce que votre pourrait quant à lui avoir.
Vos capacités pourrait vous inciter à choisir telle ou telle attaque. Par exemple, un personnage avec un gros marteau serait un roi de l’attaque contondante, mais incapable d’infliger le moindre dégât tranchant, éliminant de facto certaines attaques. De plus, chaque personnage possède une botte secrète (signature move, tristement traduit par « amélioration » en français…). Cela permet de déclencher un effet spécial ou une frappe puissante sur un type de coup particulier.
N’oubliez pas non plus les capacités et la botte secrète de l’adversaire.
Enfin, certains personnages possèdent une armure contre un ou plusieurs types de dégâts. Il serait intéressant de l’éviter, non ?
Avec tout ça, on arrive à un système de combat sans dés, induisant du « mind reading » (lecture de pensée) de l’adversaire, de l’audace et une bonne dose de rigolade avec parfois des actions épiques.

Et la magie ?
Dans le même esprit, la magie est également gérée avec des cartes. Le deck est composé de trois couleurs de cartes (rose, bleu et vert) avec des cartes de valeur 1 à 3 (plus de 1 que de 2 que de 3) ainsi que de cartes catastrophes. Il est là aussi, commun pour les joueurs. Chaque compétence va nécessiter une couleur ou un nombre précis pour s’activer, voire un nombre d’une certaine couleur !
Le lanceur de la capacité arcanique tire autant de cartes que sa compétence Arcane modifiée par la capacité d’esquive de la cible (qui peut donc lui enlever ou lui rajouter des cartes) tandis que l’adversaire en tire 6. Le bluff commence alors puisque le lanceur va poser une carte face cachée et annoncer la valeur qu’il prétend avoir joué. En fonction de ses cartes en main et de la lecture de l’adversaire, le joueur d’en face doit soit accepter l’effet avec la carte annoncée, soit traiter l’autre de menteur. Dans le premier cas, on résout la capacité sans révéler la moindre carte. Dans le second, on révèle la carte jouée. Si le lanceur a menti, c’est son adversaire qui choisira la carte à appliquer parmi les 6 en sa possession (si possible une catastrophe pour le pénaliser !). S’il n’a pas menti, non seulement il peut appliquer les effets de la capacité mais il peut également la relancer tout de suite avec une autre carte qu’il a pioché.

Moonstone sur le long terme?
Moonstone propose également un système de campagne pour ceux qui veulent lier leurs parties. Chaque participant jouera une bande de mercenaires recrutés par un sorcier (vivant dans la tour de Grommel). Ce jeu « hors du jeu » sera rythmé par un joueur qui gèrera le planning mais aussi les machinations entre les parties.
Ces machinations permettent de soutenir ou saboter les autres joueurs, ceux que l’on n’affronte pas ce tour. Cela affecte à la fois la partie en donnant ou enlevant des cartes campagne à la cible, mais aussi la victoire finale, via un système de paris, permettant aux joueurs de gagner ou perdre des points de machination en fonction du résultat des matchs. Bien entendu, parier sur quelqu’un plus bas au classement rapporte beaucoup plus… Une règle additionnelle : l’assaut et l’enlèvement pour handicaper un personnage ou lui faire manquer des parties. Pas de réussite automatique cependant, on va tirer une carte arcane et regarder l’effet. En cas de catastrophe : révélation et perte points machination pour l’attaquant. A intervalles réguliers, les joueurs pourront également placer une carte amélioration sur un de leur personnage représentant l’expérience gagnée par les bandes.
On reste donc dans cette ambiance fun et folle en apportant un système de campagne qui permet à chacun de tirer son épingle du jeu jusqu’au dernier moment !

Qu’est-ce qui fait le sel de ce jeu par rapport aux autres ?
J’ai presque envie de dire tout ? Son univers féérique et déjanté tout d’abord, à l’esthétique unique. Son système de jeu se basant sur le bluff et le mind reading, le hasard étant limité au tirage de cartes mais c’est vous qui faites les choix qui auront leurs conséquences directes sur les actions. Sa simplicité de préparer une partie : on joue avec le même nombre de figurines, on lâche des Moonstones au dessus de la table et c’est parti. Le format en 4 tours est très intense mais permet des parties assez rapides.

À qui s’adresse ce jeu ?
Ce jeu est fait pour les roublards ! Même si vous pouvez techniquement prendre une unité de brutes qui cogneraient à mort la bande adverse, cela s’avèrera rarement payant in Fine. Jouer à Moonstone c’est prévoir les petits coups fourrés qui permettront de récupérer la moonstone décisive au bon moment. Le jeu n’est pas un massacre en bonne et due forme mais bien une escarmouche, une échauffourée entre deux bandes cherchant à dégoter le plus de butin possible. Pas forcément en cherchant à mettre tout le monde à terre, surtout quand des capacités nous permettent plein d’effets pratiques.
Le jeu est assez simple à prendre en main, très dynamique grâce à l’activation alternée, les compétences d’arcane et le combat qui implique les deux parties dans la résolution de l’action. Cependant, les profils sont tous différents. Bien qu’il y ait quelques compétences communes, chaque personnage aura sa compétence ou son action spéciale ce qui peut faire beaucoup d’informations à retenir au début. D’un autre côté, cela offre un nombre de possibilités de synergies énorme !
Moonstone est aussi une des marques avec les figurines les plus fines et les plus belles que je connaisse. Les fées sont vraiment fines mais offre la possibilité de peindre de magnifiques ailes de papillon. Les figurines ont toutes quelque chose à raconter. Leurs poses ne sont pas faites au hasard et couplées à leurs grands yeux, on a l’impression que chaque figurine raconte sa propre histoire. La qualité du tirage résine est vraiment excellente. C’est du tout bon !

Le mot de la fin
Poker !
Pourquoi, parce qu’à Moonstone, c’est comme au poker. Le plus important à Moonstone, ce ne sont pas les cartes, c’est ce que vous en faites !
Ce lien capillotracté vous rappellera peut être quelque chose mais je trouve cette phrase tellement vraie pour ce jeu.
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