Si vous jouez à des jeux compétitifs asymétriques, vous avez probablement déjà entendu parler de la « méta ». Mais qu’est-ce que c’est au fond ? Comment se forme-t-elle ? Faut-il prendre en considération la meta avant d’entamer un tournoi ?
Qu’est-ce que le metagame ?
Le métagame, ou méta-jeu en français, est l’ensemble des stratégies et pratiques à adopter pour atteindre le but du jeu dans un contexte donné. D’une certaine manière, la méta dicte des règles tacites pour favoriser la victoire.
Certaines personnes affirment que « META » est un acronyme pour « Most Effective Tactics Available ». Traduit littéralement , cela donne « Les tactiques disponibles les plus efficaces ». Bien que l’acronyme ait le mérite de résumer fidèlement le concept, c’est étymologiquement faux. Meta est un préfixe d’origine grec signifiant « au-delà de, après ». Le méta-jeu sous-entend donc que le jeu en cache un autre, qu’il existe un jeu au-delà du jeu, qui le transcende. Et en l’occurrence, il ne s’agit rien d’autre qu’un puzzle intellectuel. Celui où la clef est de trouver la stratégie la plus efficace compte tenu de celles des autres joueurs, et du contexte dans lequel évolue le jeu. Cette réflexion se déroule en dehors de la partie, et peut occuper une place prépondérante du hobby, notamment dans les jeux de cartes à collectionner.
Concrètement, la méta, c’est quoi ?
Concrètement, les joueurs vont aligner les meilleures cartes ou figurines du moment dans une configuration optimale. Mais attention, cela n’exclut pas forcément les cartes/figurines plus faibles du jeu. Du moment qu’elles fournissent une aide précieuse dans la stratégie globale ou qu’elles contrent les menaces de la méta, ces unités/figurines sont viables.
Illustrations
Dans Magic The Gathering
Tout format qui comporte la carte Foudre n’est pas un environnement propice aux cartes de créatures avec une endurance de 3 ou moins. Leur espérance de vie est trop faible pour que ces créatures soient considérées comme « viables ». Elles peuvent être foudroyées à n’importe quel moment (vu que Foudre est une carte d’éphémère) et à moindre coût pour son adversaire (un seul mana rouge). Dans un tel format, Foudre dicte une partie de la méta, en retirant virtuellement de l’exercice de deckbuilding toutes cartes ne lui étant pas assez résistantes.
Dans Star Wars Légion
L’arrivée des Pykes en 2022 a été remarquable. Cette unité était bardée de puissants mots-clefs pour seulement 40 points. Cerise sur le gâteau, toutes les factions pouvaient louer les services de ces mercenaires. Avec de tels avantages, il était impensable de ne pas l’aligner sur la table. Les joueurs ont donc commencé à construire des listes d’armée autour de cette unité, en concentrant leur stratégie sur la génération de nombreux pions d’Esquive. Ainsi, la défense accrue a été un élément prépondérant dans la méta du second semestre de 2022. Cela obligeait les adversaires à utiliser des unités capables de percer les défenses des Pykes, et les unités qui n’excellaient pas dans ce domaine étaient laissées de côté…
Comment se forme la méta ?
Un méta-jeu est susceptible d’apparaître dans la plupart des jeux compétitifs asymétriques. À leur lancement, la méta est encore inconnue. Ce sont les joueurs qui, acquérant de l’expérience et une compréhension approfondie du jeu au fil des parties, vont cerner petit à petit les stratégies gagnantes du jeu. C’est l’émergence d’un gameplay en somme. La méta est validée lorsqu’on atteint l’équilibre de Nash. C’est à dire « une situation dans laquelle aucun des joueurs ne peut trouver de meilleure stratégie de jeu, compte tenu des stratégies choisies par les autres joueurs » (source)
Quand évolue-t-elle ?
Cela dépend du type de jeu, de sa popularité ou si les développeurs suivent attentivement l’évolution de leur jeu. Les jeux de cartes à collectionner sont plus susceptibles de voir leur méta changer plusieurs fois par an, grâce à l’édition trimestrielle de nouveaux sets de cartes. Dans les jeux de figurines comme Star Wars Légion, chaque réédition du RRG implique généralement l’apparition d’une nouvelle méta. Enfin si aucun paramètre vient modifier le jeu, la méta peut être définitive. Ceci n’est jamais de bon augure pour la survie du jeu du point de vue compétitif.
Ainsi, la méta est surveillée de près par les concepteurs, dont l’objectif est de veiller à un jeu équilibré et toujours digne d’intérêt. Dans le cas contraire, les joueurs risquent de le délaisser. Soit par ennui, soit lassés de l’injustice qu’ils peuvent subir face à des armées/decks adverses imbattables. Les concepteurs du jeu s’arrangent donc pour que la méta soit régulièrement modifiée, afin qu’aucune stratégie dominante reste trop longtemps (et parfois injustement) sur le devant de la scène.
Qui la crée ?
Même si le développeur du jeu pourrait en être à l’origine, il aura plutôt un rôle de régulateur de la méta. Il peut tenter de la pousser dans une direction, sans garantie de réussite. En effet, le développeur ne contrôlera jamais vraiment le méta-jeu pour une raison logistique: plus les paramètres sont nombreux à prendre en compte dans un jeu, plus nombreux doivent être les tests pour identifier les conséquences d’un changement, aussi infime soit-il. Un éditeur du jeu n’a pas les ressources suffisantes pour effectuer des tests à une telle échelle, aussi grand soit-il. C’est pour cette raison que l‘identification de la méta est plutôt laissée à l’ensemble des joueurs.
Anecdote Wizard of The Coast, l’éditeur à l’origine du jeu Magic The Gathering, cherchait à perfectionner son mulligan. Le mulligan, c’est le fait d’autoriser les joueurs à piocher une nouvelle main en début de partie en échange d’une pénalité. Même si cet acte paraît anodin, plusieurs types de pénalités peuvent être imaginées et leur impact sur la suite de la partie peut avoir d’énormes conséquences, notamment en servant de catalyseur pour des puissants combos. Ne pouvant mesurer concrètement l’impact du nouveau mulligan qu’il avait concocté, WotC décida de mener une phase d’essai grandeur nature durant le Mythic Championship II, un tournoi se déroulant dans la capitale anglaise. Validé durant la compétition, le London Mulligan devint la norme et remplaça son aîné, le Paris Mulligan. |
Comment se modifie la méta ?
Les développeurs de jeux ont plusieurs possibilités pour déconstruire les stratégies dominantes: éditer de nouvelles cartes ou figurines, modifier des règles de jeu, adapter le coût de certaines unités ou capacités,… Dès qu’un paramètre du jeu est modifié, la méta est remise en question.
Quand a-t-elle de l’importance ?
L’importance de la méta se fait ressentir à un haut niveau compétitif. A partir d’une certaine expérience, les meilleurs joueurs ne peuvent plus se distinguer sur le plan purement technique: chacun connait les règles du jeu parfaitement et les erreurs d’attention sont extrêmement rares. Ce qui départagera ces joueurs, c’est leur compréhension de la méta et leur approche vis-à-vis de celle-ci. À ce niveau, l’intégration de la méta dans sa réflexion stratégique est un élément essentiel à la victoire.
Comment connaître la méta actuelle de mon jeu ?
Ce n’est pas évident, car elle n’est pas tangible et fluctue dans le temps. Vous pouvez consulter les listes d’armée ou decks qui performent aux grands tournois pour la cerner. Discutez-en avec d’autres joueurs pour comprendre les forces et faiblesses de telles listes. Le plus efficace, c’est de jouer contre des joueurs différents, de tout horizon, pour comprendre les approches de chacun.
N’oubliez pas que la méta est définie par ce que les autres joueurs jouent. Et cela peut vous induire en erreur: si vous ne jouez que dans votre cercle d’amis aux ressources limitées, vous évoluez dans un environnement biaisé: il ne reflète pas la réalité du jeu. Par exemple, si vos adversaires ne jouent jamais d’unité X, vous ne mettrez jamais en place une stratégie anti-X, qui pourrait pourtant être primordiale dans de grands tournois.
Quelques notes additionnelles
- On dit « le » méta-jeu (masculin), mais le ou la metagame. Abrégé, on dira plutôt « la » méta.
- Une carte ou une figurine peut être au top durant une certaine méta mais tomber aux oubliettes lors de la méta suivante. L’inverse est vrai aussi.