Comment bien choisir ses jeux de société ?

Une centaine de jeux de sociétés sont publiés chaque année. Ils viennent remplir les boutiques spécialisées et s’empilent sur la montagne de jeux existants. Que ce soient des jeux de cartes ou des jeux de société, on ne sait pas toujours où donner de la tête. Alors inévitablement, on se pose la question « Quel jeu de société acheter ? ». Dans ce guide, je vous liste mes critères fondamentaux pour évaluer si un jeu de société devrait rejoindre votre ludothèque ou non.

Pas de liste de jeux, mais des critères !

« Donne un poisson à un homme, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie. ». Telle est la citation qui illustre cet article. Plutôt que de vous lister les meilleurs jeux de société, je préfère vous expliquer comment identifier un jeu qui devrait rejoindre votre ludothèque.

Les critères pour identifier les jeux à se procurer

Commençons par l’évidence: le jeu de société qui devrait rejoindre votre ludothèque doit avant tout être bon. Définir un bon jeu de société est cependant un exercice subjectif et difficile. Mais je pense qu’on peut s’entendre sur cette définition : un bon jeu de société est un jeu:

  • qui vous amusera, vous et vos amis ;
  • que vous sortirez de votre ludothèque avec envie ;
  • auquel vous jouerez plusieurs mois, voire années, après l’avoir acquis ;

Je détaille chacun de ces critères ci-dessous.

Un jeu qui vous amusera, vous et vos amis

Qui amuse les amis

Un jeu ne doit pas uniquement vous plaire, mais devra surtout plaire aux personnes avec qui vous comptez jouer. Eh oui, sauf exception, plusieurs joueurs sont nécessaires pour entamer une partie ! En général, la courtoisie impose que les joueurs choisissent ensemble leur divertissement pour la soirée. En d’autres mots, si un jeu ne fait pas l’unanimité auprès de votre cercle de joueurs, il restera au fond du placard…

Mais alors, comment savoir si un jeu fera l’unanimité ? Il faut connaître ses proches: Demandez-leur de vous lister quelques jeux qu’ils apprécient et d’autres qu’ils détestent. Demandez-leur de vous expliquer les raisons de leur choix.  Tous ne se concentreront pas sur les mêmes critères. Pour certains, ce seront les mécaniques du jeu qui les fatigueront. Pour d’autres ce sera la durée du jeu ou la complexité des règles. Ou encore la thématique, les illustrations, et j’en passe. Bref, l’appréciation d’un jeu est différente pour chacun et un As d’Or n’est pas une garantie qu’il plaira à votre entourage.

Qui est fun

Un jeu est-il forcément fun ? Non, la preuve avec le jeu de cartes La Bataille. Cela peut paraître étonnant de créer un jeu qui n’amuse pas. Pourtant, ils existent. Et vous auriez tort de penser que les jeux récents en sont épargnés.

Qu’est-ce qu’un jeu fun ? C’est avant tout un jeu qui n’ennuie pas. Et l’ennui n’existe pas, selon moi, dans un jeu qui génère une tension en toile de fond, et d’où la surprise peut jaillir à tout moment. Il en découle alors des sensations plaisantes. Certaines mécaniques de jeu sont plus propices que d’autres pour générer le suspens. Par exemple, le jet de dés ou la pioche de cartes sont des mécaniques amusantes. Elles impliquent des résultats hasardeux qui génèrent de la tension à leur approche. Vais-je réussir mon jet de dés qui me permettra de vaincre ce monstre ? Vais-je piocher la carte parfaite pour la situation compliquée dans laquelle je me trouve ? Ces situations sont plus à mêmes de générer des cris de joies que d’autres, comme l’exécution d’une transaction de ressources ou le calcul d’un score. Attention, si le hasard génère la surprise, il n’est pas systématiquement synonyme de fun. Si le joueur n’a aucun moyen de contrôler l’issue de ses actions car seul le hasard la détermine, on se retrouve face à un jeu sans intérêt intellectuel!

Face à un jeu, posez vous la question suivante: les actions nécessaires pour remporter la partie sont-elles funs ? Notez que le fun est évidemment dépendant du contexte : piocher quatre cartes à UNO est moins amusant que d’en piocher quatre à Magic The Gathering.

Qui a peu de temps morts

Les temps morts, ou down time en anglais, correspondent aux moments durant lesquels vous ne jouez pas lors d’une partie. Dès que vous commencez à patienter, le chronomètre du down time démarre. Des temps morts longs sont problématiques car ils génèrent l’ennui ou l’impatience. Certains créateurs de jeux l’ont compris et s’efforcent de le supprimer. Parfois exécuté maladroitement (comme en limitant le temps de jeu via un sablier), parfois élégamment comme dans Magic The Gathering: en permettant à ses joueurs de jouer des cartes ou d’activer des capacités pendant le tour de leur adversaire, Wizard of the Coast offre un jeu dynamique qui implique ses joueurs du début jusqu’à la fin de la partie.

Que vous sortirez de votre ludothèque avec envie

Pour sortir le jeu de la ludothèque, il faut avant tout le pouvoir. Le jeu nécessite-t-il des conditions particulières pour être joué ? Nécessite-t-il des aptitudes physiques (Dungeon Fighter) ? Faut-il des connaissances poussées (Trivial Pursuit) ? Des connaissances en anglais sont-elles nécessaires pour comprendre les règles ? Faut-il un nombre de joueurs élevé ? C’est le niveau d’aptitudes et le caractéristiques de votre cercle de joueurs qui déterminera si le jeu lui est accessible.

Gare au nombre de joueurs nécessaires

Si en moyenne, votre groupe d’amis est composé de quatre personnes, vous pouvez passer votre chemin sur des jeux tels que Mafia de Cuba ou Les Loup Garous de Thiercelieux. Ils nécessitent respectivement six ou huit joueurs au minimum pour lancer une partie. Moins il faut de joueurs pour démarrer une partie, plus il y a de chance que vous y jouerez.

Prenez garde au nombre de joueurs inscrits sur la boite. Il ne signifie pas forcément que l’expérience de jeu sera la même que vous soyez deux ou une demi-douzaine. La Fureur de Dracula par exemple offre la possibilité de chasser le vampire dès deux joueurs, mais l’expérience immersive ne mérite d’être vécue qu’à cinq joueurs. De même,  Zombicide : Rue Morgue  permet des parties à douze joueurs. Sur papier, l’idée est séduisante. Dans les faits, si vous avez l’occasion de vous retrouver un jour à douze autour d’une table, cela signifie que chacun devra attendre 11 tours de jeu avant de pouvoir massacrer des zombies. Quand je vous parlais de temps morts

Gare à la durée de la mise en place

D’autre part, la durée de mise en place (ou setup time en anglais) d’un jeu peu en rebuter plus d’un au moment où il faut installer le jeu. Des jeux comme Scythe, Zombicide, ou Batman : Gotham City Chronicles nécessitent bien plus de temps à être installés que des jeux de cartes comme Hanabi  ou Campy Creatures. Une installation longue n’est problématique que si vous manquez de temps, comme lors d’un soir de semaine. N’oubliez pas qu’après la partie, il faudra ranger le jeu aussi…Oh non !

Certains créateurs de jeux prennent conscience de ce défaut et proposent dès lors d’intégrer la mise en place du jeu dans la partie. C’est le cas avec Dust 1947 par exemple, où le déploiement des figurines se fait au moment de leur activation. Un autre exemple sont les jeux de type Dungeon Crawlers, où les figurines et les tuiles de plateau se dévoilent au fil de l’exploration.

Gare aux manque d’interactions entre joueurs

Sur ce point, mon cercle d’amis ne me rejoins pas. Il se peut donc que vous partagiez leur avis. Le voici: un jeu de société doit permettre des interactions sociales. Si chacun joue dans son coin (coucou 7 Wonders), le jeu rate son objectif de partage de moment de qualité avec ses proches. Codenames est une excellente illustration de jeu d’interactions sociales: les joueurs doivent communiquer correctement entre eux pour gagner la partie. En fonction de votre coéquipier, le jeu varie en difficulté. Le contre-exemple : 7 Wonders. Il peut se jouer silencieusement. Même l’achat de ressources chez son voisin se fait sans son consentement ! Si c’est pour jouer seul, ne faut-il pas mieux se lancer dans une campagne d’Horreur à Arkham ou même dans un jeu-vidéo solo ?

Gare à la cannibalisation

Un exemple vaut mieux qu’une longue explication: Imaginez vous un beau jour avec l’envie de vous immiscer dans un univers de Zombies. Vous ouvrez les portes de votre ludothèque et vous tombez sur Zombicide, Zombicide Black Plague et Last Night on Earth. Ces trois jeux répondent à votre envie, mais seul un verra la table du salon aujourd’hui. Et oui, choisir c’est renoncer ! Chaque minute passée sur un jeu est une minute perdue sur un autre jeu. En multipliant les jeux similaires, vous générez une cannibalisation de votre ludothèque. Pour mieux répondre aux besoins, la ludothèque de l’exemple ne devrait conserver qu’un seul jeu de zombies et remplacer les deux autres par un jeu de cartes rapide et léger, l’autre par un jeu de plateau compétitif moins lourd qu’un jeu de figurines coopératif. Quitte à détenir trois jeux de sociétés, autant varier les plaisirs et les styles ! Notez bien que la cannibalisation ne s’effectue pas uniquement sur des thématiques, mais sur potentiellement tout élément similaire entre des jeux. Parfois, c’est la patte du créateur (ex: Jamey Stonemaier) qui est tellement reconnaissable d’un jeu à l’autre que ses jeux remplissent le même rôle dans votre ludothèque (Ex: Tapestry et Scythe). Soyez donc attentif au contenu de votre ludothèque avant de vous précipiter sur un nouvel achat.

Auquel vous jouerez plusieurs mois, voire années, après l’avoir acquis

Préconisez les jeux dont la rejouabilité est forte

Un jeu doit garder un intérêt au fil des parties. Cet intérêt est conceptualisé avec le terme de rejouabilité. Plus l’intérêt subsiste au fil du temps, plus le jeu sera qualifié de « rejouable ». Par exemple, les jeux de cartes classiques tels que le Poker ou le Wist sont encore fortement joués de nos jours car leur rejouabilité est énorme. C’est mathématique: chaque partie est unique car la probabilité que tous les joueurs disposent de la même main d’une partie à l’autre est extrêmement faible. Autrement dit, un joueur ne pourra pas calquer sa stratégie d’une partie à l’autre, car la distribution des cartes est différente. Il sera forcé de repenser ses actions, ce qui lui procurera une nouvelle expérience du jeu.

À l’inverse, certains jeux sont conçus pour vous faire vivre une expérience unique. Les jeux de société narratifs, tels que Time Stories ou les escape game Unlocks en sont des exemples. Après avoir résolu l’enquête ou l’énigme, l’intérêt pour les joueurs de se replonger dans le jeu ultérieurement est faible. Ils connaissent les réponses et les actions qu’il faut entreprendre pour gagner. Ces jeux ne présentent donc peu d’intérêt pour votre ludothèque. Il vaut mieux les louer ou les emprunter.

Préconisez les jeux qui offrent une courbe de progression lente

Dans le jargon ludique, on parle de courbe de progression lorsque l’on veut mesurer le temps nécessaire pour apprendre à maîtriser un jeu. En ordonnée, on note le niveau de maîtrise, et en abscisse le temps. Il existe une multitude de courbes. Grosso modo, retenez ceci: une courbe de progression avec une forte pente signifie qu’il vous faudra peu de temps pour acquérir les compétences d’un bon joueur. En revanche, une pente « plate » signifie que le jeu nécessite du temps et de la patience pour apprendre et maîtriser toutes les subtilités du jeu.

Les sports sont des exemples de jeux disposant d’une courbe de progression lente: il vous faudra des années pour devenir le meilleur joueur dans un sport. Cela demande des aptitudes physiques, de l’expérience et un savoir-faire qui passe par de nombreuses séances d’entrainement. À l’inverse, le jeu de cartes classique La Bataille a une courbe de progression rapide: vu qu’aucun savoir-faire est nécessaire pour gagner une partie, vous aurez maîtrisé le jeu rapidement…et il vous lassera toute aussi rapidement !

En effet, les jeux aux courbes de progression rapides sont plus à mêmes de vous lasser, car ils perdent rapidement leur intérêt. Optez donc pour un jeu avec une courbe de progression lente afin d’en profiter longuement!

Conclusion

La prochaine fois que vous serez face à un jeu de société, pensez aux critères que j’ai cité dans cet article. Faites l’exercice mentale d’évaluer si le jeu que vous avez en face de vous vaut la peine d’être acquis. Il ne doit pas forcément répondre à TOUS les critères. Mais s’il échoue à plusieurs, je pense qu’il vaudra mieux le louer.

Retenez également qu’un bon jeu ne doit pas forcément trouver sa place dans votre ludothèque. L’idéal est de créer avec votre cercle d’amis une ludothèque commune. Arrangez-vous pour ne pas acquérir un jeu existant dans votre cercle d’amis. Non seulement cela vous permet de répartir les coûts financiers et de stockage, mais en plus cela vous donne une ludothèque virtuellement conséquente !

Enfin, quid si vous adorez un jeu, mais qu’il ne répond pas à tous les critères de la liste citée dans ce guide? Peu importe, du moment que vous passez du bon temps autour d’un jeu, ce que je dis ou pense n’a que peu d’importance !